Le 4 septembre 1774, le navigateur James Cook « découvre » la Grande Terre, qu’il baptise Nouvelle-Calédonie, en raison des paysages lui évoquant la Calédonie, l’ancien nom latin de l’Écosse. Le Britannique est ainsi le premier Européen à établir un contact avec des Kanak. Entre le début et la moitié du XIXe siècle, un certain nombre d’Occidentaux y jettent l’ancre : des marins, des chasseurs de cétacés ou encore des santaliers, qui organisent le trafic du bois de santal.
La rivalité confessionnelle franco-britannique sur le vieux continent rejaillit entre évangélisateurs protestants et catholiques en Nouvelle-Calédonie. En 1840, la mission anglaise de la London Missionary Society envoie des pasteurs d’origine polynésienne. En vue de contrer cette christianisation uniquement protestante, des missionnaires catholiques de l’ordre des maristes débarquent en 1843.
Au nom de la France, le contre-amiral Febvrier-Despointes prend possession de la Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances en septembre 1853. Pour peupler ce territoire, le gouvernement français table sur une double colonisation : « pionnière » et « pénale ». La ville de Port-de-France, rebaptisée Nouméa en 1866 afin d’éviter la confusion avec le chef-lieu de Martinique, est fondée en juin 1854.
Les colons libres, incités par l’État français à venir s’établir dans l’archipel, s’implantent pour les cultures de la canne à sucre ou du café. Faute de capitaux, de main-d’œuvre et de techniques agricoles adaptées, la vie de ces « pionniers » n’est pas aisée : après 1900, ces opérations d’immigration sont abandonnées.
Le 2 septembre 1863, la Nouvelle-Calédonie est déclarée lieu de transportation par décret de l’empereur Napoléon III. Le bagne calédonien voit le jour en 1864. Les colons « pénaux » se divisent en trois catégories : les « transportés », condamnés aux travaux forcés, qui construisent des bâtiments, des routes, des ponts et travaillent pour les exploitants miniers ; les « déportés », à l’instar des nombreux communards, envoyés en Nouvelle-Calédonie après l’insurrection de la Commune de Paris en 1871 ; les « relégués », pour la plupart des délinquants mineurs récidivistes. Les centres pénitentiaires ferment progressivement après 1897 et l’arrivée du dernier convoi de « transportés ». En 1931, la colonie pénitentiaire est officiellement désaffectée.
Les conséquences de la colonisation s’avèrent dramatiques pour la population kanak : l’État français s’arroge la propriété des terres et l’administration coloniale contraint les autochtones à se regrouper dans des territoires délimités, les « réserves ». Ces spoliations suscitent un profond mécontentement et se manifestent par plusieurs soulèvements. Le plus traumatisant est celui du 23 juin 1878, quand des guerriers menés par le chef Ataï se lancent à l’assaut du poste militaire de La Foa. C’est le début d’une révolte sanglante et sévèrement réprimée, qui dure un an : 600 insurgés et 200 Européens sont tués, 1 500 Kanak sont contraints à l’exil.
Dès la fin du XIXe siècle, les prospections minières révèlent la présence de nombreux minerais dans le sous-sol calédonien, dont le nickel, découvert en 1864 par l’ingénieur Jules Garnier. Fondée en mai 1880, la Société Le Nickel, qui existe encore de nos jours, impose un quasi-monopole en Nouvelle-Calédonie. Des travailleurs originaires de divers pays du Pacifique sont recrutés en vue d’exploiter les mines.
Le régime de l’indigénat, ensemble de règles spécifiques s’appliquant aux populations mélanésiennes, est mis en place en 1887. Il régit la gestion des tribus et réprime des infractions spécifiques aux Kanak : leurs déplacements sont contrôlés et ils ne peuvent entrer dans Nouméa sans autorisation. Les chefs reconnus par l’autorité coloniale se superposent aux chefs coutumiers traditionnels.
La Seconde Guerre mondiale, la défaite de la France et l’armistice de juin 1940 posent aux habitants de Nouvelle-Calédonie la question de leur positionnement vis-à-vis de Vichy. Le 19 septembre 1940, l’archipel se rallie à la France libre du général de Gaulle.
Suite à l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 par les Japonais, une importante flotte de navires de guerre américains, avec à son bord 18 000 soldats, entre en rade de Nouméa le 12 mars 1942. La Nouvelle-Calédonie devient le centre du commandement interallié dans le Pacifique et une de ses principales bases arrière. Entre 1942 et 1946, plus d’un million d’Américains séjournent dans la colonie.
La Nouvelle-Calédonie devient un territoire d’outre-mer (TOM). Ses habitants sont désormais représentés par un député et par un conseiller de la République, qui siège au Sénat. Le régime de l’indigénat est aboli et les Kanak deviennent des citoyens français : ils peuvent circuler librement, choisir leur employeur, résider où bon leur semble. La Constitution de 1946 leur reconnaît aussi un statut de « droit particulier » qui leur permet de conserver la coutume pour tout ce qui concerne l’état civil, le mariage, l’adoption, la propriété et la succession.
À la fin des années 1960, la Nouvelle-Calédonie connaît grâce au nickel une phase de prospérité économique. Des chantiers de prospection, des routes d’exploitation et de transport du minerai s’ouvrent aux quatre coins de la Grande Terre. Le déficit de main-d’œuvre se traduit par une très forte immigration océanienne, principalement originaire de Wallis-et-Futuna, et de métropole. Au recensement de 1969, la population mélanésienne devient pour la première fois minoritaire dans l’archipel. Avec la chute des cours, le boom du nickel s’interrompt en 1971 et 1972.
La récession économique contribue à élargir le fossé entre les communautés européenne et mélanésienne, qui a le sentiment qu’elle est la première à faire les frais de la crise. En septembre 1975, le festival culturel Mélanésia 2000 est l’occasion d’une forte affirmation identitaire. Deux nouveaux partis se constituent et s’affrontent : le Parti de libération kanak et le Rassemblement pour la Calédonie dans la République, qui veut incarner la loyauté vis-à-vis de la France. En 1979, les indépendantistes se regroupent dans le Front indépendantiste (FI) puis, en 1984, dans le Front national de libération kanak et socialiste (FNLKS), et portent leur cause devant le comité de décolonisation de l’ONU.
En 1984, les « événements » débutent suite au boycott des élections censées renouveler l’Assemblée territoriale. Cette période est marquée par des meurtres, des attentats, des émeutes, des embuscades, des fusillades et l’expulsion d’anti-indépendantistes de la côte est et des îles Loyauté. L’incompréhension entre les deux camps s’aggrave et la tension monte jusqu’au drame d’Ouvéa, où des militants du FLNKS tuent quatre gendarmes et en retiennent d’autres en otages dans l’espoir d’obtenir une indépendance immédiate. Le 5 mai 1988, l’assaut donné par les forces de l’ordre pour libérer les otages fait 21 morts : 19 Kanak et 2 gendarmes.
Suite à la réélection de François Mitterrand, le premier ministre Michel Rocard dépêche en Nouvelle-Calédonie une mission de conciliation. Le 26 juin 1988, le leader nationaliste Jean-Marie Tjibaou et le chef du camp anti-indépendantiste Jacques Lafleur signent les accords de Matignon, qui prévoient l’organisation, dix ans plus tard, d’un référendum d’autodétermination et la création de trois provinces : deux, le Nord et les îles Loyauté, sont gérées par les indépendantistes, et une, le Sud, par les loyalistes.
Ces provinces détiennent des compétences économiques, sociales et environnementales. Les autres collectivités (État, Nouvelle-Calédonie et communes) exercent des compétences d’attribution. Les indépendantistes ont ainsi accès à des responsabilités plus importantes. De son côté, l’État s’engage à des efforts financiers afin de faciliter le rééquilibrage économique du pays.
Dans le camp indépendantiste, les accords ne font pas l’unanimité : le 4 mai 1989, Jean-Marie Tjibaou est assassiné à Ouvéa par Djubelly Wéa, un militant qui l’accuse d’avoir trahi la cause. L’application des accords n’est toutefois pas remise en cause.
Pour éviter en 1998 un référendum qui pourrait faire resurgir les tensions, les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie s’ouvrent dès 1996. Les indépendantistes posent comme préalable l’accession à la ressource minière qui leur permettra d’alimenter l’usine métallurgique qu’ils projettent de construire en province Nord. Ils obtiennent gain de cause et, le 5 mai 1998, Lionel Jospin signe avec les principaux acteurs de la vie politique locale l’accord de Nouméa, soumis au référendum et adopté par 72 % des électeurs.
Le préambule de l’accord de Nouméa évoque « les ombres de la période coloniale » et reconnaît l’identité kanak. La loi organique de mars 1999 met en place le transfert progressif et irréversible d’un certain nombre de domaines de l’État à la Nouvelle-Calédonie jusqu’en 2018. Au terme de cette période, l’État ne détiendra plus que les compétences régaliennes (défense, justice, maintien de l’ordre, monnaie, affaires étrangères).
En 2010, la Nouvelle-Calédonie n’est plus un TOM mais une collectivité de la République française inscrite dans la Constitution, la citoyenneté calédonienne donnant à ses habitants la possibilité de construire un « destin commun », voire une indépendance librement consentie à l’échéance de 2018.