Chroniques Polonaises

Plus d'un millier de Polonais ont participé, lundi 6 novembre à Varsovie, à une marche silencieuse en mémoire de Piotr Szczesny. Le 19 octobre, cet homme de 54 ans s'est immolé par le feu pour protester contre la politique du parti conservateur au pouvoir, en criant « Je proteste ».

Ce 11 novembre 2017, jour de la Fête de l’indépendance, des jeunes gens de noir vêtus, mais aussi des familles avec des poussettes et des personnes âgées ont marché en rangs serrés sur quelque trois kilomètres dans les rues de Varsovie. La manifestation était organisée par le Camp national radical (ONR) et la Jeunesse de la Grande-Pologne. Le mot d'ordre était « Nous voulons Dieu », une expression rappelant un chant catholique interprété parfois aujourd'hui comme un rejet de l'islam. « Pas de Pologne islamiste, pas de Pologne laïque, mais une Pologne catholique », a rapporté Radio France internationale, qui parle de slogans « ouvertement anti-européens, anti-libéraux et islamophobes ».

Alors qu’en juin 2016, des manifestations pour le droit à l’avortement débordaient les rues des grandes villes polonaises, deux sexologues universitaires examinent l’évolution du rapport entre sexe et politique depuis la Pologne communiste jusqu’à aujourd’hui, dans une Pologne ultra conservatrice. Bilan pessimiste.

En Pologne, l’engagement des étudiants dans les luttes sociales et politiques ne coule pas de source pour la majorité d’entre eux. Ils hésitent, sont sceptiques face à l’action politique et, quand ils s’engagent, se perçoivent comme des citoyens appartenant à une bulle dans une société divisée où ils sont coupés du contact avec les autres.

Le dix de chaque mois, en mémoire de la catastrophe aérienne survenue le 10 avril 2010, Jaroslaw Kaczynski président du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS) et ses partisans se réunissent à 8h41, heure du drame de Smolensk en Russie où le président polonais Lech Kaczynski et de nombreux personnalités politiques, religieuses et militaires trouvèrent la mort.

Depuis quelques mois, l’opposition fait face à cette manifestation qu’elle qualifie de « messe de Smolensk » et tente de contrer la parole conservatrice et mensongère de Kaczynski. Les manifestants d’opposition rendent hommage aux 96 victimes une rose blanche à la main.

Dans la soirée du vendredi 16 décembre 2016, toutes les issues du parlement polonais étaient bloquées après que l'opposition a accusé le gouvernement d'avoir outrepassé la constitution lors de l'adoption le projet de budget 2017 et de chercher à museler la presse.

Le lendemain, la police polonaise dispersait par la force les milliers de manifestants réunis à Varsovie et dans d'autres villes du pays et depuis, les sit-in de militants de la plateforme civique, principal parti de l'opposition se succèdent.

Selon les nouvelles règles qui devraient entrer en vigueur en 2017, le nombre de chaînes de télévision autorisées à filmer les séances au parlement sera limité à cinq. Celui des journalistes accrédités sera limité à deux par organe de presse.

« Ici, étaient enterrées les personnes assassinées après des procès politiques truqués, accusées le plus souvent d’espionnage au profit des puissances occidentales et contre le régime communiste. »

Krzysztof Szwagrzyk, historien à l’Institut de la mémoire nationale (IPN) estime à quelque 50 000 le nombre de victimes de la terreur communiste à la fin des années 1940 et jusqu’au début des années 1950.

En novembre 2016, les exhumations ont commencé sur un terrain de 60 mètres de long sur 30 de large, surnommé Łączka, le « Petit pré ».

Les Polonais attendent l’identification d’un héros national de la Seconde guerre mondiale, Witold Pilecki qui, en septembre 1940, intègre de son plein gré le camp nazi d’Auschwitz avec pour mission d’organiser la résistance de l’intérieur, et de pouvoir raconter les conditions de détention à l’extérieur.

Après son évasion en avril 1943, il a, à maintes reprises et de façon très précise, informé les Alliés de ce qui se passait à Auschwitz.

Witold Pilecki, luttant contre la dictature mise en place dans son pays par Moscou, a été condamné à mort et exécuté en 1948. Les communistes polonais ont ensuite interdit toute allusion à son nom.

Ce dimanche 23 octobre, toutes vêtues de noir, les femmes polonaises étaient une nouvelle fois dans la rue pour manifester contre les efforts déployés par les dirigeants conservateurs du pays (PIS) pour renforcer la loi sur l'avortement déjà très restrictive en Pologne.

Devant le Parlement à Varsovie, elles ont dénoncé l'influence de l'Église catholique sur la vie politique en scandant « Nous en avons assez! ». Des manifestations similaires ont eu lieu dans d'autres villes à travers le pays.

La mobilisation des femmes a commencé au printemps (voir notre video précédente “Pour le droit à l’avortement”) et s’est élargie cet automne, contraignant les députés à rejeter, le 6 octobre 2016, la proposition de loi sur l'interdiction quasi-totale de l'avortement. Et de fait, la manifestation du 23 a rassemblé des centaines de personnes contre des milliers le 3 octobre.

Le 24 août 1989, Tadeusz Mazowiecki, une des principales figures de l'opposition intellectuelle polonaise, est investi à une écrasante majorité premier ministre. Solidarność, le grand syndicat polonais, né durant l’été 1980 lors les grèves aux chantiers navals de Gdańsk, a remporté en juin les élections. C'est le début d'une liberté retrouvée, liberté perdue en 1939 avec l'invasion conjointe de l'Allemagne nazie et de la Russie communiste.

Lorsque le Mur tombe à Berlin en novembre 1989, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie ont déjà commencé à s'émanciper de la tutelle communiste. Puis la Roumanie et la Bulgarie s'engagent à leur tour dans un processus de démocratisation. En 1989, c'est toute l'Europe de l'Est qui commence à se libérer.

Que reste-t-il de cette époque dans la mémoire des militants et dans la jeunesse qui n’a pas connu le régime communiste ?

Le 24 avril 2016, à Varsovie, les funérailles d’un héros national ont donné lieu à une démonstration de la résurgence nationaliste en Pologne sous le nouveau régime du parti Droit et Justice (PiS).

Né en 1919, Zygmunt Szendzielarz s’engage dans l’unité de cavalerie du général Anders en 1939 pour résister à l’invasion de la Pologne par Hitler. En 1943, il rejoint l’Armée de l’intérieur (AK) sous son nom de guerre, Lupaszka, et organise un groupe de partisans en Lituanie à Vilno. En août 1944, il se réfugie en Pologne pour fuir la Gestapo et la police secrète soviétique NKVD. À la fin de la guerre, il continue son combat clandestin contre les forces soviétiques jusqu’à son arrestation en 1948. Emprisonné, torturé, il est condamné à mort le 2 novembre 1950 par la cour martiale sous contrôle soviétique à Varsovie et exécuté le 8 février 1951. Il est réhabilité et décoré des honneurs militaires après la chute du communisme, en 1993. Lors d'une exhumation en 2013, les restes du colonel Lupaszka ont été identifiés dans une fosse commune du cimetière militaire de Varsovie, et son enterrement officiel a donc eu lieu en avril.

Remplacement du jour au lendemain des directions des médias publics par des hommes du pouvoir, surveillance policière des utilisateurs d’Internet, mise au pas du tribunal constitutionnel, chasse aux sorcières dans les administrations, loi qui punit de cinq ans de prison ceux qui dénigrent la Pologne… En novembre 2015, juste après la victoire du parti Droit et Justice (PiS) aux législatives, les motifs d’inquiétude ne manquent pas lorsque Mateusz Kijowski décide d’ouvrir un forum de discussion sur Internet.

Il raconte la naissance du comité de défense de la démocratie KOD, qui est devenu rapidement le plus grand mouvement de citoyens depuis Solidarność de Lech Walesa.

Cette résistance va-t-elle s’épuiser ? Se fera-t-elle court-circuiter ? Ou réussira-t-elle à provoquer chez les Polonais un véritable électrochoc ?

Le 7 mai 2016, deux cent mille manifestants ont exprimé dans les rues de Varsovie leur opposition au pouvoir du parti Droit et Justice dirigé par Jarosław Kaczyński et leur désir d’être et de rester européens.

Le 18 juin 2016, à Varsovie et dans 18 autres villes du pays, les femmes ont organisé des « marches pour la dignité » afin de protester contre la proposition d'interdiction totale de l'IVG par les organisations pro-vie, soutenues par l'épiscopat et le gouvernement conservateur.

En octobre 2016, le Parlement examine une loi interdisant totalement l’avortement (même en cas de viol, d’inceste, ou malformation du fœtus), proposée par des organisations pro-vie. Des peines encore plus lourdes pour les médecins pratiquant illégalement l’IVG sont prévues (cinq ans, contre deux actuellement). Le 6 octobre, le texte est rejeté par la commission parlementaire.

Selon les organisations féministes, entre 100 000 et 150 000 femmes procéderaient clandestinement à une IVG chaque année, soit en Pologne, soit à l’étranger. Le nombre d’avortements autorisés en Pologne oscille entre 700 et 1 800 par an. Les féministes se sont massivement mobilisées contre le texte.

Le 2 août 2016, au camp d’Auschwitz-Birkenau, lors de la cérémonie commémorant le génocide tsigane durant la Seconde Guerre mondiale, Raymond Gurême, résistant, déporté rom français et survivant du génocide, est venu témoigner et livrer un message à la jeunesse du monde entier : « Jeunes, restez debout fièrblockquoteent et ne capitulez jamais ! » Pendant la Seconde Guerre mondiale, on estime que 250 000 personnes ont été exterminées en Europe parce qu’elles étaient tsiganes, selon l’historienne Marie-Christine Hubert.